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Synthèse des éléments des conférences de Benjamin Bayart

Créé à partir du travail de Thomas Richard, merci à lui !

Le minitel était un réseau centré, en étoile, avec un serveur central, un réseau intelligent et des terminaux passifs. On avait mis l'intelligence au centre.

Internet est un réseau a-centré, qui n'a pas de centre. C'est une toile sans point central. Le réseau est aussi bête que les tuyaux qui acheminent de l'eau. L'intelligence est en périphérie. Internet n'est pas un réseau qui existe et sur lequel se raccordent les différents opérateurs mais c'est la somme de ces opérateurs. Ce sont leurs interconnexions qui forment une toile qu'on appelle internet. Internet, c'est l'ensemble de 40 000 réseaux de tailles très diverses – certains microscopiques, d'autres immenses – qui sont interconnectés en respectant un certain nombre de normes.

Si on coupe internet en deux, on n'a pas éteint internet mais on obtient deux petits internets qui fonctionnent indépendamment l'un de l'autre et sans lien entre eux. Cette propriété s'appelle la résilience d'internet.

Internet est aussi un réseau symétrique. Chaque ordinateur est à la fois serveur et client. Chacun peut donc héberger et diffuser ses contenus.

Il existe des organismes assurant le bon fonctionnement – exclusivement technique – d'internet. Ils garantissent par exemple que deux machines ne se voient pas attribuer la même adresse IP. Ils ne s'occupent pas de savoir s'il y a des dissidents politiques ici ou là, si tel pays filtre, etc. Ces organismes sont non-lucratifs, donc indépendants, et ils sont trans-gouvernementaux.

Dans la pyramide, on a au sommet l'ICANN et l'IANA. ICANN : association pilotant et fixant les règles (noms de domaine, IP, etc.) IANA : bras armé de l'ICANN. Réalise le travail technique de l'ICANN.

À l'échelon d'en dessous, on a des organismes continentaux appelés RIR (Regional Internet Registry), répartis au cinq coins de la planète.

Au niveau d'en dessous, les 5 RIR délèguent à des LIR (Local Internet Registry), qui sont au nombre de 10 000 à 15 000. Les LIR sont des opérateurs ou des entreprises. Ils attribuent localement des adresses IP à partir de plages d'adresses IP qui leur ont été confiées par un des 5 RIR. Par exemple, le RIPE transmet à France Telecom un stock d'adresses IP qui les distribue une à une – chacune étant unique – parmi ses clients. Le contrôle d'internet par ces instances est exclusivement technique et fonctionne bien.

La minitelisation est une menace pour le réseau.

La centralisation des échanges de données a un impact négatif sur le fonctionnement d'internet. Exemple : quand les données convergent vers un point de la toile, que ce soit MSN, YouTube, Facebook…

Quand l'information tend à circuler essentiellement dans un seul sens, c'est aussi un problème. Le P2P (indépendamment du caractère licite/illicite des contenus) favorise la bonne santé d'internet parce qu'il implique la communication dans les deux sens au sein d'un groupe de machines réparties en différents points de la toile. On favorise la bonne santé du réseau quand on héberge ses propres contenus chez soi : mes proches viennent alors voir mes photos de vacances sur l'adresse de ma machine plutôt que sur un site où je les aurais déposées, mes courriels sont reçus et envoyés depuis chez moi plutôt que chez un intermédiaire à qui je les confie et dont je ne sais pas ce qu'il en fait, etc.

Le fait que le réseau ne fasse rien, c'est le plus petit accord commun entre les différents réseaux qui s'interconnectent. La neutralité du réseau, c'est la définition même d'internet. C'est, du reste, le fonctionnement normal du réseau, qui ne doit faire que transporter les données et est prié de se comporter vis-à-vis d'elles exactement de la même manière que se comporte un tuyau vis-à-vis de l'eau qu'il achemine.

La neutralité d'internet assure l'interopérabilité : un abonné de chez Free peut consulter la page d'un abonné de chez Orange, c'est bien la même page qui apparaît. C'est possible parce que les opérateurs sont tacitement d'accord sur la façon d'interconnecter leur réseau.

Vouloir un internet qui n'est plus neutre, qui n'est plus bête, c'est ne plus vouloir internet. Supposer que c'est le réseau qui va résoudre un problème – quel que soit le problème – c'est commettre une erreur. Supposer que c'est aux opérateurs réseau de faire cesser une infraction, c'est une erreur.

Le message peut poser problème, pas le messager.

La poste n'ouvre pas les lettres. Même si certains courriers sont illégaux (envoi de drogue), ce n'est pas à la poste (privé) de faire appliquer la loi.

Le téléphone : le harcèlement téléphonique est interdit mais ce n'est pas France Telecom (privé) qui y veille, c'est la police.

  • on transporte des données sans regard quant aux contenus,
  • on ne privilégie pas le trafic en fonction de son adresse de provenance ou de destination,
  • on ne privilégie pas un protocole,
  • on ne porte pas atteinte au contenu, qui doit rester intact.

On porte atteinte à la neutralité sitôt qu'on enfreint un des quatre principes énoncés ci-dessus. Les atteintes sont nombreuses et certaines sont banales. Certaines atteintes constituent des délits sans sanction, dans la mesure où le législateur n'a pas prévu de sanctions pour ces infractions-là.

  • Indiscrétion : quand GMail analyse les contenus de vos mails pour cibler les annonces publicitaires qu'il vous présente, c'est comme si votre facteur lisait vos lettres.
  • Discrimination des adresses : quand la vidéo est plus fluide sur tel site que sur ses concurrents en raison des accords commerciaux que votre opérateur a passé et dont vous faites les frais, c'est comme si le facteur faisait du zèle pour traiter le courrier de l'entreprise concurrente de la vôtre.
  • Discrimination des protocoles : quand la prestation est meilleure pour MSN que pour un service équivalent, Jabber, ou quand le débit chute lors de l'utilisation d'un logiciel de P2P, c'est comme si la poste acheminait certains formats d'enveloppe plus vite que d'autres ou les enveloppes en papier blanc plus vite que les enveloppes jaunes en kraft.
  • Altération du contenu : quand votre webmail ajoute un message publicitaire à la fin de vos courriels, c'est comme si la poste glissait une affichette publicitaire dans chacune de vos enveloppes.

Article XI de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi.

La liberté d'expression telle qu'elle est mentionnée dans les Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 est enfin rendue possible grâce à internet. Ceci a été établi par la décision 2009-580 DC du Conseil Constitutionnel en 2009.

Extraits :

La liberté de communication et d'expression, énoncée à l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, fait l'objet d'une constante jurisprudence protectrice par le Conseil Constitutionnel (…). Cette liberté implique aujourd'hui, eu égard au développement généralisé d'Internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l'expression des idées et des opinions, la liberté d'accéder à ces services de communication au public en ligne.

La participation à la vie de la cité (et par exemple le contact direct avec les politiques) est possible avec internet.

La neutralité du net n'est pas un droit fondamental mais c'est un principe sur lequel s'adosse un grand nombre de libertés. La neutralité du net joue un rôle clé dans la liberté d'expression, la liberté d'accès à l'information et la liberté d'informer.

Une infime minorité de citoyens a déjà publié un ouvrage ou un article dans une revue ou un journal mais la majorité des internautes a déjà publié un écrit sur internet : qui sur un blog, qui dans des commentaires ou sur un forum de discussion.

Avec internet, la communication change d'ordre de grandeur, tant en ce qui concerne la rapidité des échanges que sur le plan de l'auditoire potentiel.

La diffusion du savoir se fait à grande échelle. Très peu de gens ont chez eux une encyclopédie complète en papier à leur disposition. Mais sur internet, tout le monde a accès à Wikipedia en un clic.

Internet a un impact économique colossal.

Il a aussi un impact sociétal phénoménal, dont l'une des composantes essentielles se résume ainsi :

L'imprimerie a permis au peuple de lire, Internet va lui permettre d'écrire. (B.Bayart)

Au niveau des communications, Internet est la plus grande avancée depuis l'apparition de l'imprimerie. Or l'apparition de l'imprimerie a eu des conséquences cruciales. Sans l'imprimerie, on n'aurait pas eu la Renaissance ni la Philosophie des Lumières à laquelle elle a donné naissance et qui a débouché sur les principes de nos démocraties modernes.

Si on peut voir internet comme une cause de changements majeurs, on peut aussi le considérer comme la conséquence d'une évolution de la société, comme la réponse à un besoin de l'humanité au cours de cette évolution.

Les premiers usages qu'on a d'internet, une fois l'accès mis en place, sont des usages d'acheteur (on achète ses billets de train en ligne) et de kikoolol (on envoie à ses amis des images rigolotes, on regarde des vidéos de lolcats, etc.).

Ensuite, on devient un lecteur : on se met ensuite à lire les journaux en ligne et contrairement à la vraie vie, on va lire ce que disent, sur le même sujet, différents journaux.

Puis, au bout d'un moment, on devient un râleur : on commence à râler dans les commentaires des articles lus mais simplement en déversant sa bile de façon non-constructive, au départ. On se confronte alors à la parole d'autrui, on se fait rembarrer parce qu'on n'avance pas d'arguments. On évolue vers un type de commentaire différent.

Dans l'étape suivante, qui durera assez longtemps, l'internaute devient un commentateur : on apprend à argumenter, à expliquer son mécontentement, à construire son discours. Les commentaires gagnent en longueur, en qualité, en structure. On apprend aussi à reconnaître quand on s'est trompé. Bref, on apprend à débattre en public, ce qui n'est pas une mince affaire. Cette étape dure assez longtemps. Le contenu informationnel des commentaires devient parfois plus intéressant que le billet initial.

Certains commentateurs muteront en auteurs : plutôt que de laisser de longs commentaires, on finit par ouvrir un blog pour exprimer ses idées, on devient auteur.

Et parmi les auteurs, certains évolueront en animateurs : plutôt que d'écrire tout seul dans son coin, on peut en arriver à piloter un blog où une dizaine de personnes viennent écrire, par exemple.

Les catégories lecteur et commentateur, à divers degrés, sont très répandues.

  • les marchands (de films, de musique, etc.)
  • les tribuns (journalistes, politiques, etc.)
  • les intermédiaires techniques (les opérateurs)

De la même façon que l'imprimerie avait révolutionné l'univers des moines copistes au XVème siècle, Internet remet en question le business de l'industrie des moines copistes de DVD.

Économie de la rareté versus économie d'abondance

Avec l'économie des supports matériels, on est dans une économie de rareté : si je vends mon ordinateur, je ne l'ai plus.

Dans l'économie d'abondance, si un prof fait un cours, il n'a pas perdu son savoir.

Avec la duplication d'objets numériques, on est dans le cadre de l'économie d'abondance mais les ayant-droit s'accrochent à un système de l'économie de rareté qui est dépassé dans leur cas.

Sur internet, le coup de production marginal est nul. Toutes choses égales par ailleurs, que nous échangions ou non ce morceau de musique, tout le monde paiera le même prix. Le coût de production d'un exemplaire supplémentaire est nul.

En toute logique, pour n'importe quel économiste qui a compris la loi de l'offre et de la demande, sachant que :

  • le coup marginal de production est nul,
  • l'offre est illimitée puisque le réseau ne s'arrête pas,
  • la demande est forcément limitée parce qu'on n'écoute pas plus de 18 heures de musique par jour,

alors, mécaniquement, le prix de vente se doit d'être nul.

À partir du moment où le prix de vente est nul, la rémunération l'est aussi.

La culture

Dans une définition large, on appelle culture la référence commune que partage un groupe d'êtres humains et qui nous permet de communiquer.

Quand on met ensemble un groupe d'êtres humains, ils vont créer une culture : ils vont créer un vocabulaire et des références. Exemples : les mots troll, kikoolol, etc.

Un élément de culture est un élément qui s'échange, et inversement, par définition, un élément qui s'échange est un élément culturel.

Dans un monde où on peut s'échanger des vidéos et du son, si les marchands de culture gagnent leur bataille contre internet et qu'on ne peut plus s'échanger des références issues de l'industrie du divertissement parce que c'est sous copyright, ce sera remplacé par autre chose. Les contenus produits par ces marchands de culture cesseront d'être des références communes et perdront toute valeur. Le contenu produit par l'industrie du divertissement n'a de valeur que parce que nous l'échangeons, qu'on fredonne leurs chansons, etc.

Si les marchands de culture gagnent leur bataille contre internet, ils en seront la principale victime. Car il est certain qu'on continuera à avoir de la culture même sans eux. Il est à souhaiter pour eux que nous continuions à échanger gratuitement leurs contenus entre nous et donc à donner de la valeur à ces contenus.

Le droit d'auteur

Le droit d'auteur concerne une idée (immatérielle) et non le support, la matérialisation dont on fait commerce. Le droit d'auteur n'a pas été pensé pour protéger l'artiste de son public mais pour le protéger de celui qui fait commerce de son œuvre, le libraire dans le cas d'un écrivain.

L'œuvre devient publique à l'instant même où elle est dévoilée, de la même façon qu'une maison devient vôtre à l'instant même où vous signez la vente et non pas quand vous aurez fini de la payer.

La presse

Face à internet, la presse a un vrai problème à régler. C'est le papier qui fait le prix de vente. Mais s'il n'y a plus de papier… là encore, l'économie de la rareté n'est plus valable. Dans la communication d'informations au public : à un extrême, on a un spécialiste de l'expression (un journaliste) s'efforçant de retranscrire les idées d'un spécialiste de tel domaine (un interviewé), domaine auquel le journaliste ne connaît éventuellement rien ; et à l'autre extrême, on a un spécialiste de tel domaine qui essaie d'exprimer ses idées. Ce sont deux approches radicalement différentes. Les moyens de diffusion habituels, télé et radio, permettent la première ; mais Internet permet aussi la seconde.

Du coup, quand il se pose une question sur un thème donné, un internaute peut aller chercher l'éclairage d'un spécialiste pointu.

Avec cette abolition des intermédiaires par internet, quelle place reste-t-il pour les journalistes ?

Internet rend accessible à chacun la liberté d'expression. Auparavant, il fallait pouvoir se faire publier et ce n'était pas donné à tout un chacun.

Les politiques

Traditionnellement, les politiques se font élire sur des discours, des promesses, qui leur confèrent ensuite, une fois élus, une légitimité de représentation pour une période donnée, qu'ils concrétisent ou non les idées qui les ont fait élire. Or Internet rend possible le contrôle de l'état par les citoyens. Internet permet de demander des comptes à nos institutions et nos représentants, d'interpeler les pouvoirs publiques, d'éplucher à plusieurs des textes (de loi, par exemple) pour soulever des problèmes et faire valoir nos droits de citoyens. Internet a réouvert des pistes qui avaient été ouvertes par le peuple en 1789. Internet forme des gens qui savent débattre et ceci est très bénéfique pour la démocratie mais problématique pour bon nombre de représentants politiques. Internet dépossède les politiques de leur monopole sur la parole publique. Grâce à internet, le peuple se réapproprie la parole et va même plus loin que cela puisqu'il peut surveiller l'action de ses élus, par exemple à travers des sites tels que NosDéputés.fr du collectif RegardsCitoyens.org. Certains blogs de simples citoyens ont une audience largement plus grande que les blogs de certains hommes politiques ou que les sites des quotidiens nationaux.

Les opérateurs ont très vite compris la place centrale, incontournable qu'ils occupaient, et le profit qu'ils pouvaient en tirer. Certains éditeurs de contenus aussi.

Les opérateurs ont investi des sommes importantes pour installer des câbles et faire en sorte que la machine fonctionne. Pour 30 euros mensuels par abonné. Pour la même somme, des éditeurs de contenus (ex : Meetic) gèrent simplement une interface où les internautes paient pour finalement nourrir de leurs propres contenus le site. Ce sont ceux qui paient, les clients, qui fournissent la matière qui fait l'intérêt du site.

Les opérateurs en sont venus à considérer qu'ils étaient riches de clients, à la façon dont les candidats politiques sont riches de tant de voix, et ont décidé de les monnayer. De sorte qu'à l'instar de Meetic, on paie nos FAI pour devenir leur marchandise. C'est le cas lorsqu'ils dealent avec des publicitaires ou des éditeurs de contenus : Bonjour Meetic, ici Orange. Si tu veux que mes tant de millions de clients viennent chez toi et que la connexion ne rame pas, tu vas payer le péage, à hauteur de tel pourcentage. C'est en substance de cette façon que les choses se passent, même si, dans la pratique, ces arrangements revêtent des apparences plus subtiles.

Les clients offrent aux FAI (et en les payant !) leur temps de cerveau disponible. En anglais, les clients sont des eyeballs – des globes oculaires.

Si on tape dans la barre d'adresse du navigateur une adresse qui n'existe pas, on est dirigé vers une page publicitaire. Ce sont les DNS menteur.

Un protocole consomme pas mal de bande passante, comme le P2P ? Qu'à cela ne tienne, on le bride. Skype fait de l'ombre au réseau téléphonique ? On l'empêche de fonctionner.

L'opérateur a passé un accord commercial avec tel diffuseur de vidéo ? Le débit des concurrents va chuter. C'est que la machine-à-perdre-des-paquets (des paquets de données) est en place.

Du coup, on n'a plus accès au même internet selon qu'on est chez le FAI Bidule ou le FAI Machin. Or quand ce n'est pas le même internet, ce n'est pas internet du tout.

Et par exemple, l'internet mobile n'existe que de nom. Ce qu'on a sur les mobiles, c'est tout sauf internet.

Mais le fantasme de l'opérateur Tartempion va bien plus loin quand il devient lui-même diffuseur de contenus. En situation de quasi-monopole, il peut faire en sorte qu'on ne consomme que des contenus estampillés Tartempion, via une Tartempion-box, avec les applications Tartempion. Une minitelisation de l'internet conviendrait très bien aux opérateurs comme aux marchands de contenus.

La loi HADOPI 1 était présentée comme un outil visant à empêcher les jeunes de tuer la création artistique avec leur ordinateur. Elle prévoyait comme sanction la suspension de l'accès internet sans passer par un juge, ce qui revenait, en apparence, à priver les enfants de télé. La décision du Conseil Constitutionnel (2009-580 DC) a établi qu'internet n'est pas la télévision et qu'avec Hadopi 1, on était en train de porter atteinte aux libertés individuelles fondamentales telles qu'elles sont définies dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. On a totalement changé de registre.

Pour préserver leurs privilèges, les marchands sont prêts à sacrifier la liberté des citoyens et les principes démocratiques. ACTA s'est élaborée en secret et, au motif de questions relatives à la protection des droits d'auteur et des brevets, foule aux pieds les libertés individuelles. Sous la pression des lobbies, nos dirigeants signent. Il y a collusion entre les pouvoirs financiers et le pouvoir politique, et c'est le peuple qui en subit les conséquences en renonçant à la notion de vie privée.

Pour les puissants – qu'il s'agisse de pouvoir financier ou politique – internet est à la fois une menace et une aubaine. Une menace pour les marchands de culture parce qu'internet permet le partage gratuit, l'émergence d'artistes auto-produits, etc. Une menace pour les politiques parce que le peuple se réapproprie la parole et peut s'organiser pour mettre les pieds dans leurs projets comme ce fut le cas pour la première loi Hadopi, quand les geeks démontaient les arguments des politiques chaque fois qu'une ineptie technique était proférée, etc. Une aubaine pour les marchands dont les contenus peuvent, à peu de frais, être à portée de clic de tout un chacun (VOD, par exemple). Une aubaine pour les gouvernements en terme de contrôle des citoyens.

Les terroristes

On agite le spectre du terrorisme, or pour encastrer des avions dans des tours en 2001, les terroristes n'étaient pas armés d'ordinateurs mais de simples cutters.

Les pédophiles

C'est l'argument massue car il est fédérateur. Et quand quelqu'un défend la neutralité du net contre le filtrage, on l'accuse de défendre les pédophiles.

Mais dans la très grande majorité des cas, ça se passe dans le cercle familial. En outre, quand on filtre, on ne supprime pas le site, qui reste accessible par des moyens détournés. Si on veut arrêter les coupables, ce genre d'affaire se traite avec des enquêtes de police et des procédures judiciaires. Les policiers de terrain disent qu'il n'y a pas de sites pédopornographique en France. Quand il en apparaît un, une ou deux fois dans l'année, il est repéré dans la semaine, et ensuite supprimé dans la journée, avec arrestation, jugement et emprisonnement des auteurs.

Les jeux d'argent

La loi ARJEL est née du fait que les sites de jeux d'argent en ligne faisait de la concurrence aux jeux d'argent dont l'état a le monopole.

L'argument est que ces jeux créent une addiction. On n'a pas pour autant interdit le PMU.

Mais dans n'importe quel bar-tabac, on trouve trois produits addictifs majeurs que sont l'alcool, le tabac et le PMU, loto et consorts.

Benjamin Franklin disait que si on voulait troquer la sécurité contre la liberté, on n'aurait ni l'une ni l'autre.

Demander aux opérateurs de filtrer, c'est donner à un organisme privé un pouvoir de censure qui devrait être du ressort du judiciaire. ACTA propose de responsabiliser les intermédiaires. L'opérateur qui voudrait éviter d'être inquiété n'aura qu'à donner accès à quelques site politiquement corrects et basta. LOPPSI donne au ministère de l'intérieur le pouvoir d'imposer le filtrage d'une liste secrète de sites sans intervention d'un juge. Rien n'empêchera qu'un jour on en vienne à filtrer les groupes contestataires du pouvoir en place.

Un pays dans lequel le réseau n'est pas neutre n'est pas démocratique. La question de la neutralité du réseau est du même ordre que la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire).

Si quelqu'un peut filtrer, c'est l'utilisateur. L'intelligence reste alors en périphérie, ce n'est pas un problème. Quand on tente d'introduire de l'intelligence dans le réseau, on porte atteinte à la neutralité, donc au bon fonctionnement d'internet en même temps qu'au bon fonctionnement de la démocratie.

Action-réaction : plus on exerce de pression dans un sens, plus ça pousse dans l'autre.

Si j'appuie sur la table avec mon doigt (action), la table exerce une force en sens inverse (réaction). Plus j'appuie fort, plus la table repousse fort.

Le point d'équilibre dure jusqu'à ce qu'une des deux sources de pressions contraires casse. Dans le contexte des batailles autour d'internet (hadopi, etc.), on a d'un côté ceux qui s'opposent aux changements induits par l'existence d'internet (internet étant lui-même la conséquence d'une évolution sociétale et la réponse à un besoin) et qui freinent face au changement, et de l'autre ceux qui évoluent avec internet et le défendent. Au fil du temps, on monte en pression des deux côtés.

Il y a fort à parier que celui des deux qui va casser, c'est celui qui veut empêcher le changement. La vraie question à se poser, c'est combien de temps on veut que ça prenne. Quelques années ou plusieurs décennies ?

Une chose est certaine : plus il y aura d'internautes qui se sentiront concernés, plus on avancera. Et dans l'idéal, plus chacun s'auto-hébergera, mieux ce sera.

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  • Dernière modification: 2012/09/17 08:15
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